Cet article a été initialement publié sur Les Echos.
L'affichage de l'impact environnemental répond à un intérêt consommateur évident. D'après la Commission européenne (2020), plus de la moitié des Européens font attention à l'impact environnemental des produits qu'ils comptent acheter. En France, les consommateurs sont de moins en moins réticents à l'idée de payer plus cher des produits écoresponsables : ils étaient 42 % en 2012 et plus que 36 % en 2021 selon le ministère de la Transition Ecologique. Un récent sondage Opinion Way pour Greenweez (2023) indique même que 80 % des Français envisagent désormais des achats écoresponsables à l'occasion des fêtes de fin d'année.
Les conflits géopolitiques multiples ainsi que l'inflation galopante, qui tend à se stabiliser, ont cependant poussé de nombreux Français à revoir leurs habitudes d'achat. D'après l'INSEE, en octobre 2023, les prix de l'alimentaire accusaient une hausse de 7,7 % par rapport à octobre 2022. Ainsi, si l'environnement demeure une préoccupation majeure des Français, le pouvoir d'achat reste une inquiétude prépondérante (IPSOS, 2022).
Il est donc légitime de se demander, dans ce contexte, si l'affichage environnemental est l'alpha et l'oméga d'une consommation responsable : aussi louable soit-elle, l'intention se confirme-t-elle au moment de passer en caisse ?
Si la France fait office de fer-de-lance en la matière, notamment en ayant lancé le Nutri-Score en 2017, suivi par 6 autres pays européens, actuellement aucune étude n'évalue son impact de manière quantitative (ventes, dépenses des ménages, etc.) sur les habitudes de consommation.
En France, deux exemples de politiques publiques impliquant le « labeling » nous apprennent que, si l'affichage a des effets positifs sur l'information des populations, il ne modifie les comportements que s'il est corrélé à une notion quantifiable, telle que le prix.
En 2016, la France bannit le packaging des paquets de cigarettes, accusé d'être un levier marketing pour l'industrie du tabac. Selon le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT), l'adoption du paquet unique a eu plusieurs effets positifs sur la population : « dé-glamourisation » de la cigarette, moins incitatif auprès notamment des publics les plus jeunes, augmentation de la perception de la dangerosité du produit, etc.
En remplaçant le caractère publicitaire des paquets de cigarettes par des informations de santé, le paquet unique fait donc ses preuves. Cependant, toujours selon le CNCT - appuyé sur des données de l'OMS - c'est la hausse significative et régulière du prix du paquet de cigarettes qui se trouve être le moyen le plus efficace pour lutter contre le tabagisme.
Dans un autre registre, on peut évoquer l'immobilier et son DPE (Diagnostic de performance énergétique) obligatoire. Depuis l'annonce de l'interdiction prochaine des passoires énergétiques à la location, les prix à la vente de ces biens ont significativement baissé sur le marché. D'après une étude SeLoger (2022), face à un bien équivalent qui n'est pas énergivore, les passoires énergétiques ont un prix à la vente inférieur de 3,9 %. À cela s'ajoutent des marges de négociation plus importantes : moins 5,6 % en moyenne contre moins 3,7 % pour les biens considérés comme étant non énergivores.
Ainsi, pour transformer l'essai et convertir les intentions de consommation en véritables habitudes, les facteurs de dégradation de l'environnement devraient être pris en compte, au même titre que les matières premières, dans l'établissement du prix final d'un bien de consommation. Emissions carbone, impact sur la biodiversité, consommation en eau…
Si un produit a un impact délétère sur l'environnement, et donc indirectement pour la société, son prix devrait être plus élevé qu'un produit équivalent plus responsable. Pour ce faire, il sera nécessaire de développer un référentiel unique et des outils permettant la juste mesure de cet impact environnemental. En ce sens, la méthodologie développée par l'ADEME est déjà une bonne base.
Alors que le dernier rapport du Programme de l'ONU pour l'Environnement (PNUE) établit que la poursuite des politiques actuellement en place laisse présager une hausse des températures de 3°C par rapport à l'ère préindustrielle au cours de ce siècle, il est plus que jamais urgent d'agir. Si l'affichage environnemental est une première étape cruciale, l'appuyer par des mesures financières pourrait être une accélération vers des comportements d'achat et des modes de production plus responsables.