Le secteur alimentaire représente près de 30% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le secteur de la restauration a donc un rôle important à jouer dans la transition. Mais contrairement à d’autres secteurs, il est très fragmenté, peu digitalisé, a connu de multiples crises ces dernières années et fonctionne avec de faibles marges. Ce qui rend la transition d’autant plus compliquée. Cependant, certaines stratégies de réduction de l’empreinte environnementale, loin de détériorer la performance financière, permettent de l’améliorer. C’est l’objet de cet article.
Le bilan carbone d’un acteur de la restauration est généré en grande partie par les achats alimentaires qui peuvent représenter jusqu’à 70% des émissions (plus d’explications dans cet article). Bien qu’elles soient plus difficiles à mesurer et donc à réduire (car indirectes), il existe une méthodologie pour y parvenir, l’analyse de cycle de vie (ACV). Cette méthode scientifique, qui est encadrée par les normes ISO14040 et ISO14044 et que la Commission Européenne a désigné sous le nom de PEF (Product Environmental Footprint), mesure les émissions générées par un produit ou un service sur l’ensemble de son cycle de vie. Chaque produit est évalué selon 16 indicateurs dont les émissions de CO2 et la consommation en eau.
L’ACV, comme toute mesure d’impact, est la multiplication d’une donnée physique par un facteur d’émission propre à cette donnée. Ainsi, plus la donnée physique en entrée est réelle (et non statistique) et plus le facteur d’émission est spécifique à cette donnée, plus le résultat se rapproche de la réalité et plus les leviers de réduction identifiés sont nombreux. C’est dans ce cas que l’analyse de cycle de vie peut se révéler particulièrement intéressante pour les achats qui peuvent ainsi mesurer l’impact environnemental de deux matières premières identiques mais provenant de fournisseurs différents.
Cette approche permet de ne pas faire reposer sa politique d’approvisionnement uniquement sur les labels, qui peuvent avoir leurs limites. En effet, la multitude de labels rend les comparaisons entre différents produits laborieuses. En outre, les labels ne sont pas toujours synonymes de produits à faibles émissions carbone ou, au contraire, ne mettent pas en avant certaines pratiques agricoles respectueuses de l'environnement. Le bio est par exemple davantage un indicateur de produits respectueux de la biodiversité que de faibles émissions carbone.
L'ACV peut également s'avérer utile pour votre processus de R&D. En effet, l’analyse de cycle de vie vous permet d’identifier les ingrédients à forts impacts et de les remplacer pour obtenir des recettes ayant un impact global plus faible. Prenons un exemple très simple : une crème brûlée. Faite à base de lait écrémé en poudre avec un facteur d'émission de 14,82CO2eq/kg, elle produit de plus fortes émissions que celle faite à base de lait écrémé pasteurisé avec un facteur d'émission de seulement 1,18CO2eq/kg.
Parce que l’analyse de cycle de vie mesure l’impact d’un produit sur l’ensemble de son cycle de vie, elle permet d’identifier des leviers de réduction à chaque étape de celui ci. Nous nous sommes attardés sur le sourcing des ingréidents et le développement des recettes car ce sont les étapes générant le plus d’émissions mais nous aurions pu en faire tout autant sur les étapes de l’emballage, de la logistique, de la distribution, de l’utilisation et de la fin de vie.
Les opportunités financières générées par l’adoption d’une stratégie climat sont trop souvent réduites aux économies réalisées sur les coûts opérationnels grâce à l'optimisation de la consommation d'énergie et à la réduction des déchets. Or, elles vont bien au-delà. C’est en tout cas ce que pensent les directeurs F&B et du développement durable de Big Mamma, Elior et Foodles qui sont intervenus lors de notre dernier webinaire. Continuez la lecture pour en savoir plus sur les opportunités financières :
Selon Alexis Papon, directeur RSE chez Elior France, les plats qui génèrent le moins d’émission sont en majorité végétariens. De part le faible coût des matières premières végétales comparé à celles d’origines animales, c’est également ceux qui engendrent la meilleure marge. Bien évidemment, il ne s’agit pas de ne plus proposer de plats à base de protéines animales mais de rééquilibrer le mixe de ventes afin de proposer un menu davantage bas carbone.
Une étude a par ailleurs démenti l’idée reçue qu'une alimentation durable est plus coûteuse et inaccessible. Ainsi, en mettant en avant des plats à faibles émissions carbone, vous augmentez non seulement vos marges mais vous réduisez également les émissions carbone issues de vos achats alimentaires.
La promulgation de la SFRD en Europe qui vise à diriger l’argent investi vers des activités durables a vu l’apparition des prêts à impacts. Cette nouvelle forme de prêts conditionne des taux d’intérêt en moyenne plus bas que ceux du marché à l’atteinte d’objectifs de réduction des émissions. Ainsi, les entreprises dont le modèle nécessite des emprunts bancaires réguliers (les groupes de restauration par exemple) ont tout intérêt à adopter une stratgéie climat favorisant l’atteinte des objectifs fixés par les banques. “C’est la stratégie qu’a adopté Big Mamma, même si les prêts à impact ne sont pas notre motivation principale”, assure Florent Lunel, directeur F&B de Big Mamma, un groupe de restauration italienne comportant plus d’une vingtaine de restaurants.
A noter que si l’optimisation de la performance climatique est clef pour attirer de meilleurs taux, elle l’est encore plus pour attirer les investisseurs dont la plupart ont désormais une politique ESG stricte.
Dans ce marché saturé, adopter des pratiques durables permet aux restaurateurs de se distinguer de la concurrence. Mettre en avant des initiatives respectueuses de l'environnement, comme proposer des menus bas carbone ou s’approvisionner auprès de fournisseurs durables, est clef pour attirer et fidéliser les clients. En effet, une étude commune de McKinsey et NielsenIQ a démontré que les consommateurs sont prêts à payer un premium pour des produits plus durables.
Un bon exemple est celui de Sweetgreen, une chaîne de restauration rapide américaine. En proposant beaucoup d’options végétariennes, Sweetgreen revendique un menu ayant une empreinte carbone 30 % plus faible que le régime alimentaire américain moyen. C’est précisément cet argument qui a fait le succès de Sweetgreen qui compte aujourd’hui plus de 140 restaurants.
Identifier les fournisseurs les moins impactants et les plus désireux de s’engager pour la transition vous permet de bâtir des relations de confiance et de vous engager auprès d’eux sur le long terme. Certes, des contrats de plusieurs années peuvent faire peur mais ils sont nécessaires pour aider les acteurs en amont à changer leurs pratiques agricoles et sur le long terme ils diminuent le risque de rupture d’approvisionnement et de fluctuation importante des prix.
Juliette Delannoy, responsable RSE chez Foodles, en a partagé un exemple concret. Foodles a financé des projets de développement durable dans une exploitation laitière locale, afin d'aider les agriculteurs à tester de nouvelles pratiques d’élevage plus respecteueses bien-être des animaux. Cette initiative a non seulement permis de forger une relation de confiance avec leur fournisseur, mais également d'assurer un approvisionnement stable en ingrédients durables.
De la même manière, Florent de chez Big Mamma Group a partagé un exemple des avantages économiques à maintenir des relations étroites avec ses fournisseurs. Malgré l’inflation subie par le secteur de la restauration qui s’est traduite par une augmentation des prix d'achat allant de 15 % à 25 %, Big Mamma Group a réussi à maintenir ces augmentations en dessous du seuil des 10 % grâce à leurs collaborations à long-terme avec leurs fournisseurs.
En résumé, en s'appuyant sur l'ACV pour améliorer leur impact environnemental, les acteurs de la restauration peuvent réaliser des économies de coûts, bénéficier de meilleures conditions de financement, améliorer leur image de marque et réduire les risques liés à leur chaîne d'approvisionnement. Bien sûr, réaliser des ACV à la main serait bien trop coûteux et long, c’est pourquoi il est nécessaire de s'équiper d’un outil qui les automatise. Si vous souhaitez en savoir plus sur les services proposés par Carbon Maps, regardez notre webinaire dans lequel vous pourrez écouter les retours d’expérience de nos clients Big Mamma et Foodles.
Découvrez en plus sur la manière dont les acteurs de la restauration intègrent cela dans leur stratégie de durabilité en regardant notre webinaire.